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Les scieurs de long

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Quand grande pauvreté et surpeuplement rimaient avec émigration

Si tous ces hommes "allaient à la scie", c'était par nécessité et non par goût des voyages, plusieurs causes s'alliaient entre elles :

Le Climat : les hivers neigeux et sans fin, contraignaient ces montagnards à une trop longue période d'inactivité. C'était avant tout des paysans, ils vivaient ou survivaient de la culture, de l'élevage et de l'exploitation forestière.   Les scieurs de long se recrutaient aussi bien parmi les  petits propriétaires, que parmi ceux qui n'avaient aucun bien. Aux laboureurs se joignaient de modestes commerçants et artisans. 

Les années 1630, 1694, 1697, 1709, 1710, 1770 furent cruelles, avec des hivers et des printemps particulièrement froids qui gelaient toutes les cultures auxquels s'ajoutaient les épizooties et les désastres laissés par les gens de guerre après leur passage.

Les charges et les impôts seigneuriaux, religieux et royaux écrasaient les populations. De plus chaque scieur de long était cotisé et devait acquitter une taxe d'industrie, calculée en fonction du pécule rapporté, comme le confirmaient les rôle de taille tarifés.

Les régimes successoraux apportaient une charge  supplémentaire,  notamment en cas d'héritier universel, contraint de dédommager ses cohéritiers et de régler d'autres dépenses familiales. 

Il n'était pas rare de voir réapparaître, après une longue absence un scieur se long venu toucher sa part d'héritage, puis disparaître aussi discrètement qu'il était arrivé, cette fois pour toujours.

Pour servir en temps de guerre, tant que le recrutement de la milice se limitait à un ou plusieurs hommes par paroisse il n'avait pas suscité de situation particulière. Le problème s'est corsé  avec les levées obligatoires.

Avec la Révolution, si certaines charges ont diminué, en contrepartie l'instauration du devoir militaire fut créé. Les jeunes gens qui tiraient un mauvais numéro se voyaient embrigadés pour de longues années, et devaient-ils s'estimer heureux s'ils avaient échappé aux massacres des guerres napoléoniennes, ou autres batailles.

En dépit des risques encourus, beaucoup préféraient déserter que de se soumettre aux lois de la conscription, ils choisissaient de s'expatrier dans quelques forêts lointaines. Les familles étaient regroupées par feux, voire par communautés villageoises . Les communautés familiales étaient fréquentes.  Malgré le fort taux de mortalité  infantile et de mortalité épidémique, les familles étaient  nombreuses, trop nombreuses. Cette surpopulation était inconciliable avec les ressources insuffisantes  des  foyers.  Aussi pour les plus pauvres, un parent parti, c'était une bouche de moins à nourrir.

Dès l'adolescence "aller à la scie", l'instinct d'imiter, de faire pareil que les autres, devenait une tradition. Les histoires du grand-père racontés aux veillées, avec tous les détails sur ses exploits d'antan, et sur ses pérégrinations, incitaient les garçonnets à partir. Dans ces milieux on  était scieur de long de père en fils. 

Même modiques, les gains  rapportés par les premiers  encourageaient à l'exode, avec l'obsession  chez le paysan d'agrandir sa propriété en achetant quelques arpents de terre supplémentaires, sans oublier de se protéger d'un éventuel accident ou maladie et contre la vieillesse.

Pour toutes ces populations le phénomène migratoire une fois enclenché, devenait irréversible. Les scieurs de long émigraient à l'automne.